Les livres dont vous êtes le héros


J'ai découvert "les livres dont vous êtes le héros" (en fait le nom de la collection Gallimard Jeunesse), ou livre-jeu, ou littéraction, ou gamebook en anglais, avec "Le Sorcier de la Montagne de Feu" de Steve Jackson et Ian Livingstone, publié en 1982. À l'époque, le genre prenait son essor, qui s'achèverait dans les années 1990, sans doute victime de la concurrence vidéoludique.

 En attendant, j'étais bien content de parcourir des terres imaginaires peuplées de créatures fantastiques que l'on massacrait la plupart du temps, ou inversement, et par la même occasion de lire, ce qui faisait plaisir à mes parents. Cela dit, dans les années 1980, sans télévision, et alors qu'internet ne s'était pas démocratisé, ou n'existait pas encore, je n'avais pas beaucoup de distractions. D'accord, je possédais la première Nintendo, assortie des formidables Castlevania et de Super Mario Bros. Rien à voir cependant avec un bon livre-jeu de fantasy et ses magnifiques illustrations.



 Le système repose sur deux phases : les choix et les combats. Chaque paragraphe, c'est-à-dire chaque texte numéroté, invite le lecteur à décider de son comportement, et donc de la suite de l'aventure, l'envoyant au chiffre approprié n'importe où dans l'ouvrage. Les paragraphes sont volontairement mélangés afin d'éviter de gâcher le plaisir de la découverte.



Apparemment, le système n'était pas logique pour tout le monde, puisque certains s'entêtaient à lire les numéros dans l'ordre. Je vous rassure, ceux-là prétendent aussi, à propos des nouvelles technologies, que nous, jeune génération, sommes nés dedans, et eux non, ce qui les dispense de faire l'effort de s'adapter et d'apprendre. À ceux-là, je leur précise qu'il y a une explication en début d'ouvrage, qu'il suffit simplement de lire.

 

 Les combats se règlent à coups de dés, selon des caractéristiques et des compétences plus ou moins développées. Une série comme "Loup * Ardent" les multiplie jusqu'à la nausée, d'où la complexité des escarmouches qui n'en deviennent que plus difficiles à gagner. Cependant, les livres se basent en général sur trois caractéristiques principales : l'habileté, l'endurance et la chance. S'y ajoutent parfois des pouvoirs, des attaques spéciales, des points de magie, de foi, d'honneur, etc... Ces trois caractéristiques, essentielles pour espérer progresser, sont déterminées par le hasard. Toutefois, si votre score est minable, je ne donne pas cher de votre peau, qui ornera dès le premier affrontement la caverne d'un kobold belliqueux.


 
À cela s'ajoute une gestion de divers éléments, comme l'or, l'équipement, l'encombrement, le négoce. La série "Sorcellerie" impose d'apprendre des sortilèges pour les ressortir le moment voulu, avec un sérieux risque de mort prématurée en cas d'échec. Sans oublier les défis plus intellectuels, comme des codes à déchiffrer. L'imagination des auteurs est sans limites, sauf celle qu'impose une aventure en solitaire dans un format papier. Ce genre de roman est considéré comme un tremplin vers le jeu de rôles ; je pense qu'il est une alternative à tous ceux qui n'ont pas la possibilité de se réunir à plusieurs passionnés, et aussi à tous ceux qui désirent s'amuser autre part qu'autour d'une table, la nuit, dans la cave de leurs parents.



Le livre "Le Sorcier de la Montagne de Feu" avait été classé par Gallimard dans la série "Défis Fantastiques". Au fil du temps, celle-ci a fini par accueillir tous les genres : super-héros ("Rendez-vous avec la M.O.R.T."), post-apocalyptique ("Le Combattant de l'Autoroute"), horreur ("Le Manoir de l'Enfer"), science-fiction ("La Grande Menace des Robots"), même si la fantasy domine largement. Néanmoins, ces livres ont tous un point commun : ils n'ont pas de suite. La narration est d'ailleurs succincte, principalement dans ces labyrinthes où le but est avant tout de survivre. Et le héros n'est pas approfondi, ce qui nous laisse le soin de l'incarner. 



Les suites sont classées dans des séries spécifiques. Là aussi, tous les genres sont abordés, et tous les domaines : mythologique (Chroniques Crétoises, La Quête du Graal), historique (Les Messagers du Temps, Histoire), policier (Sherlock Holmes), fantastique (Épouvante), lovecraftien (Les Portes Interdites) et la fantasy, évidemment (Loup Solitaire, Loup * Ardent, L'Épée de légende, Dragon d'Or, Astre d'Or, Sorcellerie). La narration est alors plus fouillée, le héros souvent mieux caractérisé. Le lecteur vit une véritable histoire sur le déroulement de laquelle il peut influer. Toutefois, ses choix sont assez réduits dès que les événements ont un ordre précis et s'acheminent vers un dénouement. Tout dépend de l'intrigue, et de la liberté laissée par l'auteur.


 

Si le concept des livres-jeu et des jeux de rôles est bien distinct, des tentatives sont menées pour les rapprocher l'un de l'autre. Une série comme "Défis et sortilèges" se lance ainsi dans une lecture mutualisée. Plusieurs personnes peuvent participer à l'aventure en même temps, chacun muni de son propre recueil. L'expérience ne sera cependant pas généralisée puisque, comme je l'expliquais plus haut, l'intérêt de ce type de jeu est de pouvoir se mener seul, sans avoir à réunir des amis.
 


La série "L'Œil Noir" a effectué le chemin inverse. À la base, il s'agit d'un jeu de rôles d'origine allemande créé en 1984. Mais les aventures ont été publiées en livre de poche par Gallimard dans sa collection "Livres dont vous êtes le héros" au format A4. Si certains opus peuvent se lire en solitaire, d'autres en revanche sont les livres du maître du jeu. Ils impliquent de posséder a minima le coffret "Initiation au jeu d'aventure", et d'avoir des joueurs sous la main, évidemment. 



Si vous souhaitez approfondir vos connaissances sur le sujet, je vous conseille ce site spécialisé et complet : http://www.bibliotheque-des-aventuriers.com/

Et pour la critique de La Grande Menace des Robots, merci de cliquer sur le titre du livre.

Publié par Alexandre BORDZAKIAN le 22 août 2017
[< Retour] [Retour ^]