Qu'est-ce qu'un éditeur ? 
 
L'éditeur est un entrepreneur, un professionnel, un commerçant, et son activité se doit d'être rentable, c'est-à-dire qu'il est censé gagner de l'argent, se dégager un salaire et pourquoi pas, se développer. Pour y parvenir, l'éditeur vend les livres qu'il publie comme d'autres alignent des parpaings. Sauf qu'il ne transforme pas des blocs en mur mais de l'art en produit commercial. S'il n'écoule pas sa production, l'éditeur meurt. Il aura beau publier d'excellents romans, élever la littérature ou promouvoir la fantasy française à travers de jeunes talents pleins d'avenir, cela ne le nourrira pas. J'ai déjà entendu dire "untel vend et pourtant c'est nul". Oui, mais il vend, et c'est bien là l'essentiel. Car contrairement à l'éditeur qui confectionne de véritables œuvres d'art, il n'ira pas s'inscrire à Pôle Emploi le mois suivant. 
 
L'éditeur a donc une logique comptable. Pour lui, l'art n'est qu'un moyen. Le "très bon" est certes plus vendeur que le "très mauvais", mais si c'est "très mauvais" et que ça se vend, il prend aussi. Car un roman est d'abord pour lui un investissement. Il investit de son temps et de son argent, dans la lecture, la correction, la couverture, etc… De publier un auteur représente un risque car si l'investissement ne rapporte rien, il se met en danger. Or l'auteur oublie cette logique. Son roman est bon, excellent peut-être, et pourtant, il se fait refouler à cause d'une obscure ligne éditoriale à laquelle son récit ne correspondrait pas. 
 
Tout d'abord, l'éditeur apporte un regard neuf sur un travail personnel. Notre roman, nous l'avons créé, nous l'avons choyé, nous ne l'avons regardé qu'avec notre propre point de vue, évidemment bienveillant, ce qui est normal. L'éditeur l'aborde sous des aspects différents afin d'en déterminer un potentiel de rentabilité, c'est-à-dire afin de trouver un lectorat à qui le vendre. Si le sujet n'est pas porteur, si vous n'êtes pas connu, si votre récit nécessite trop de retouches malgré d'indéniables qualités, vous serez recalé. En outre, le choix de l'éditeur est subordonné à ses propres attentes et convictions. S'il cherche un roman avec une scène de sexe sado-maso, parce que c'est à la mode et qu'il est persuadé que ses publications ne peuvent exister sans celle-ci, et que le vôtre n'en comporte malheureusement pas, n'espérez pas aller plus loin. Peut-être qu'il se trompe mais puisque c'est lui l'éditeur, il ne changera pas d'avis pour vous faire plaisir. Enfin, le facteur "coup de cœur" entre généralement en ligne de compte, surtout pour les petites structures qui dédaignent travailler sur un projet sans élan passionnel. L'éditeur est aussi un être humain, pas seulement une caisse enregistreuse, qui préfèrera joindre l'utile à l'agréable. Tant mieux pour vous si vous vous découvrez un fan, tant pis dans le cas contraire. 
 
Toutefois, n'essayez pas de coller à tout prix à la volonté d'un éditeur. Elle n'est pas forcément la vérité absolue et n'est pas non plus gravée dans le marbre. Ecrivez quelque chose qui vous ressemble et vous inspire. Si cet éditeur n'en veut pas, votre manuscrit peut en séduire un autre. Et dans le cas contraire, gardez-le de côté et attaquez-vous à un autre projet qui sera sans doute plus abouti que le premier et davantage dans l'air du temps. 

Publié par Alexandre BORDZAKIAN le 2 septembre 2016
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