"Néréliath" est le premier roman d'une série ayant pour héros Karn, un dur à cuire qui, à l'occasion de ce tome 1, écume les mers sur un bateau pirate. Plus précisément, il s'occupe des abordages et envisage comme beaucoup d'autres d'atteindre une île mythique protégée par des monstres marins, ce qui porte à croire qu'elle recèle un grand trésor.
Les deux premiers tomes de la trilogie sont publiés par Asgard en 2011 et 2013 (le premier étant réimprimé en 2012) qui malheureusement met la clef sous la porte avant de sortir le troisième volume. Rivière Blanche reprend le flambeau pour terminer le cycle en 2014. Puis les "Chroniques de Karn" sont intégralement rééditées en 2016 par Bragelonne, qui les enrichit d'un recueil de nouvelles et d'histoires courtes en version numérique.
L'auteur, Simon Sanahujas, a également publié en 2008 un essai intitulé "Les nombreuses vies de Conan" sur le célèbre personnage de Robert Howard. "Néréliath" s'inscrit dans cette lignée. Donc, au programme, nous avons de l'action, de l'action, et… de l'action. Le tout servi par une écriture aux petits oignons. À une allure rythmée. On sent que Simon Sanahujas maîtrise son sujet. Le scénario ne s'encombre pas de fioritures et se dirige droit vers le but qu'il s'est choisi : faire partager le quotidien mouvementé des pirates et leur course effrénée vers cette fameuse île que défendent les serpents de mer. Ce qui entretient durant le roman une tension ne retombant qu'à la fin. La psychologie des personnages est à peine effleurée, mais cela n'a pas vraiment d'importance dans ce style de fantasy. Le lecteur veut des combats, de la violence, du sang, et il en a pour son argent.
Cependant, et au risque de passer pour le rabat-joie de service, la lecture de "Néréliath" m'a laissé sur ma faim. Elle fut plaisante sans être satisfaisante. Le récit est ponctué de nombreuses scènes d'action, sans temps mort, mais franchement, au bout du quinzième abordage commence à poindre un inévitable sentiment de lassitude.
En outre, l'auteur ne s'encombre pas de psychologie. Karn est un monolithe du début à la fin, qui n'évolue pas, qui ne change pas. L'action avant tout ! Si bien qu'il n'entretiendra qu'une relation polie vis-à-vis de sa compère, ni plus ni moins.
Le dénouement révèle un manque d'approfondissement dans le traitement du sujet. Pour un lecteur qui n'est pas familier de l'univers de Conan, cette fin aura du mal à le concerner. Comme moi, il se demandera où est le rapport avec l'histoire et en conclura : "tout ça pour ça". Car l'auteur m'a semblé ne pas avoir complètement quitté son essai quand il a rédigé ce roman. Je ne m'attendais pas à une grande réflexion sur la destinée humaine mais je ne voyais pas où l'intrigue, essentiellement portée vers l'action et l'appropriation des trésors de cette île mythique, voulait en venir. Et effectivement, la réponse fut pour moi : nulle part.
Malgré des aventures tonitruantes, un style, un rythme, un scénario maîtrisés, "Néréliath" m'a donné l'impression que l'auteur se contentait de réciter ses gammes howardienne sans chercher à les réinventer ni à creuser l'idée d'un Conan moderne et français. Dommage.